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Duke Ellington raconte, par Pierre Falgade
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Music is my mistress, par Elisabeth Cépède
Ce que nous avons entendu et lu – blog / Duke Ellington, Music is my mistress, Mémoires inédits.- Slatkine &Cie.- 592 p.
Sacré Duke ! Duke Ellington a bercé mon enfance avant de me faire danser dans les surprises-parties de ma jeunesse. C’est seulement à Noël dernier (2015) que je trouve dans mon soulier son Sacred Concert interprété un an plus tôt dans l’église de la Madeleine à Paris, par le Laurent Mignard Duke Orchestra*, en hommage au grand musicien. J’ai été immédiatement envoûtée. Étrangeté des sons que chaque soliste tire de son instrument, force et séduction des voix dont la ferveur porte le livret écrit par le Duke et le développe en profession de foi. Mercedes Ellington, la narratrice, sa petite fille, fait ce soir-là, le pont entre le mort et les vivants. Par une heureuse coïncidence, la traduction de l’autobiographie de Duke (parue aux États-Unis en 1976) est enfin publiée le 10 mars 2016. Music is my Mistress fait vivre le fabuleux parcours d’un créateur à l’ouvrage. Cette somme, condensé d’une vie de travail, explique entre autre, la genèse et le propos de ce Sacred Concert.
Une enfance heureuse. Né à Washington en 1899, Edward Kennedy Ellington entend sa mère dire et redire « Edward, tu es béni », lui insufflant pour la vie, avec l’amour de Dieu, la confiance en soi. Dans les églises presbytériennes, les offices du dimanche étaient accompagnés de chants spirituals, sa mère jouait du piano. Musique et religiosité se mêlaient pour l’enfant. Son charisme fait bientôt d’Edward le leader d’une bande de copains qui l’honore d’un surnom aristocratique. Il aime les autres, il a besoin d’eux. Il fait les bonnes rencontres au bon moment. Un voisin musicien reconnaît ses dons et l’initie au piano. Duke s’émerveille de tout, mais d’abord, du talent des artistes qu’il croise. Il intègre les meilleurs à son orchestre. Le charme de cette histoire du jazz tient à la variété des tons dont l’humour n’est jamais absent, et à une vision optimiste, romanesque et poétique de la vie. Il en savoure chaque minute. Roulant vers West Palm Beach par une belle fin d’après-midi, avec Harry Carney, clarinettiste entré dans l’orchestre à dix-sept ans, les deux hommes sont surpris par le chant mélodieux d’un oiseau invisible. Pas le temps de s’arrêter, Duke sort de sa poche, papier et crayon et fixe des notes pour transcrire plus tard, la jolie ligne de chant, caractéristique, apprendra-t-il plus tard de « L’oiseau moqueur ». Duke arrange une orchestration et l’intitule Sunset and the mocking bird. Il l’intègre dans la Queen’s Suite, dédiée à Elizabeth II, reine d’Angleterre, « comme l’une de mes expériences de la beauté. »
Voir Dieu. Ses débuts dans la vie, relativement faciles dans un milieu relativement aisé, ne lui font pas oublier la triste condition de ses frères de couleur. S’il n’est pas un militant de terrain, Duke accepte avec enthousiasme de faire partie de la distribution de Jump for Joy. une comédie musicale censée pouvoir résoudre la question raciale, grâce à son discours progressiste. La Seconde Guerre mondiale interrompt les représentations, mais « Ce sentiment de responsabilité que Jump For Joy avait éveillé en moi, persistait ». Il se lance dans une Suite à portée sociale : Black, Brown And Beige, Histoire musicale des Noirs d’Amérique, une de ses plus belles œuvres. Il s’oriente désormais vers de grandes compositions. Mis en valeur au centre du récit, le chapitre évoquant Les Concerts sacrés, contient le Credo du jazzman : « Je ne peux pas le prouver, mais le fait est que je crois avoir senti Dieu plusieurs fois. Je le crois car je crois en l’acte de croire, et personne ne pourra démontrer le contraire. » Lorsque, en 1965, le doyen C. J. Bartlett et le révérend père John S. Yaryan l’invitent à donner un concert dans la Grace Cathedral de San Francisco, Duke voit une « occasion exceptionnelle de pouvoir exprimer ce que je me dis à moi-même quand je m’agenouille pour prier ». On est au cœur de l’intime et le public « marche », le concert est un triomphe. En 1968, ses amis pasteurs lui en demandent une version nouvelle. Le concert a lieu dans la cathédrale St John the Divine de New York. « Je considère ce concert comme mon œuvre majeure, c’est pourquoi je reproduis ici l’intégralité des indications et des paroles », signale-t-il au lecteur page 290, soucieux d’assurer la transmission.
Le nomade. Ses tournées régulières à travers le monde sont l’occasion d’écrire d’innombrables compositions, sortes de carnets de voyage musicaux. La même main prend des notes, ébauche des portées, fait parfois des croquis, zwingue sur le piano, pour saisir les moments forts de la vie d’un artiste d’une insatiable curiosité et d’une créativité indéfectible. « Mettre en musique nos impressions de Damas, du Taj Mahal, d’Ispahan et du mont Harissa près de Beyrouth a été pour nous un défi passionnant. (…) pourtant, Billy Strayhorn et moi-même avons délibérément laissé passer plusieurs mois avant d’écrire nos impressions. confie le Duke rappelant que l’art est une longue patience et que l’apprentissage dure toute la vie.
Music is my mistress est le message d’un artiste heureux, qui connaît sa juste valeur. « Au début, je me suis mis à composer parce que j’étais incapable de jouer les œuvres des autres. Il me fallait inventer quelque chose que je puisse jouer. Je reste un artiste fruste, extrêmement fruste. Mais paradoxalement, la musique la plus sophistiquée du monde c’est la musique fruste ; elle ne se laisse pas maîtriser facilement. » Voilà qui excite la réflexion du lecteur et de l’auditeur. Cette histoire du jazz fait partie de la « vaste autobiographie sans fin » qu’est l’œuvre entière du Duke. Les mots de l’enchanteur aident à entrer pleinement dans sa musique.Elisabeth Cépède
*Duke Ellington Sacred Concert, Laurent Mignard Duke Orchestra, CD + DVD : Mercedes Ellington, Emmanuel Pidjob, Nicolle Rochelle, Sylvia Howard, Fabien Ruiz, Les voix en mouvement ; direction Michel Podolak. Choirs. Anniversary of Duke Ellington’s homage, Église de La Madeleine, Paris, 1er octobre 2014 Pour les fans : La Maison du Duke, association loi de 1901, reconnue d’intérêt général. Siège social : 5 bis cité du midi 75018 Paris. Contact : maisonduduke.com – www.maisonduduke.com
Sinatra, duel au sommet
Hello les amis, Je viens de lire ce passage dans le livre de KAPLAN « SINATRA – The Chairman » (2015) et j’ai souhaité le partager avec vous. C’est un point de vue. Le vôtre diffère sans doute. En tout cas, j’aime bien cet album, notamment pour « All I need is a girl ». Bernard, tu pourrais peut-être ne partager un extrait (pas le fichier complet) sur la page Facebook de la MDD. Bonne lecture … Jean-François PITET
Merci ! Oui il y a quand même quelques bons moments , All I need…, Indian Summer, I like the sunrise, les solos de Hodges , Cootie, Brown, Gonsalves , mais c’est vrai que Sinatra a mieux chanté ailleurs, et que la section de trompettes gagne à avoir Porcino comme lead (pas toujours ?), mais présenter Duke comme un musicien fini Dukemême au piano ! « the aged maestro fading pianistic skills »!) est un peu fort de café (Jimmy Jones au piano, ok, dans I like the sunrise, sûr). Kaplan fait référence à 2 auteurs à prendre avec des pincettes, Will Friedland, que j’ai rencontré en mai à NY, et qui a écrit des saletés sur mon pote Bob Dorough que je lui pardonnerai jamais ( Jazz Singing chez Da Capo), et Teachout qui ds son bouquin sur Duke nous ferait passer celui-ci pour un escroc incapable d’inventer une mélodie, parce qu’il a parfois « emprunté » à ses musiciens. On pourrait citer 900 morceaux qu’il a conçus sans l’aide de personne, ni de Strayhorn ni de Hodges ni de quiconque, de Solitude,Prelude to a kiss, Battle of swing à Dim and Cresc in blue . Duke en avait gros sur la patate d’avoir appris que Sinatra avait essayé de lui piquer Strayhorn et on peut penser qu’il n’avait rien à secouer de cet album, et s’il s’était abaissé (« had to stoop ») à enregistrer des chansons à la mode, » including Beatles tunes »,comme Basie et beaucoup d’autres c’est pas après avoir quitté le label de Sinatra mais bien pour ce label (Reprise). Quant à Billy May,a-t’il jamais signé un standard que vous sifflez sous la douche ? Alors foutre merdre de pipe en bois ! Claude CARRIERE
J’adore quand Claude se met en pétard et termine par « Alors foutre merdre de pipe en bois ! » Mais il a raison ! La phrase: » the aged maestro’s fading pianistic skills » vient de la bouche de quelqu’un qui n’a pas écouté attentivement le piano ducal de cette époque. Ce qui m’avait frappé justement dans le dernier concert d’Ellington auquel j’ai assisté (je ne me souviens plus de l’année exacte) c’est que le seul musicien encore inventif avec Gonsalves, et qui vous étonnait toujours c’était justement Duke. Alors bien sûr Sinatra at the Sands avec Basie (arrangé par Quincy Jones), c’est autre chose, mais Ellington a été à reculons dans son LP avec Sinatra avec pas mal de mauvaise volonté, ce qui ne pouvait pas donner un chef-d’œuvre. Vu les commentaires tendancieux de Kaplan sur ce disque, je ne suis pas pour le mettre sur le page de la MDD, à moins que vous aimiez la polémique. Qu’en pense Victor (de la polémique) ? (pardonnez ce jeu de mots, je n’y résiste jamais). Philippe from MONTMARTRE
University of Wisconsin, par Susan Vaillant
Avec du retard je vous envoie un chèque aujourd’hui avec ma cotisation pour 2015 plus les 5 euros pour le cadeau (s’il en reste). C’est aussi pour vous remercier d’avoir mis la conférence sur Clark Terry en ligne car n’habitant pas Paris je n’assiste pas à vos conférences… j’espère que vous allez continuer à le faire. Voici une histoire concernant Duke Ellington et son orchestre qui pourrait intéresser vos membres (peut-être ils la connaissent déjà). C’est “Duke Ellington’s Love Letter to the University of Wisconsin”. Chose très rare, l’orchestre de Duke a été invité à passer une semaine en 1973 sur un campus où ils étaient reçus avec des honneurs, ont donné quelques master classes et plusieurs concerts (dont un sacred concert). Et le gouverneur a proclamé la semaine “Duke Ellington Week” partout dans son état. « Ellington considered this one of the greatest honors he ever received”, aucune autre université (ni gouverneur) n’avait fait un tel geste… A cette époque j’étais étudiante dans cette même fac et déjà très fan de jazz et d’Ellington, j’ai assisté à tous les concerts, c’était si chouette de croiser Cootie Williams, Russell Procope, etc etc dans les rues, détendus, souriant d’être si bien accueillis, c’était une semaine formidable pour ces grands musiciens mais encore plus pour nous. Voici un petit article sur cette semaine et un court extrait radiophonique où Duke confirme à quelle point nous l’avons rendu heureux. http://www.isthmus.com/video/article.php?article=42988. Moi, très heureuse d’avoir participé à la semaine, et d’être diplomée de l’université qui avait rendu très heureux le Duke ! Susan Vaillant – Strasbourg
Petit portrait d’un nouveau co-locataire dans La Maison du Duke, par François-Xavier Moulé
Comme il est important de savoir avec qui on partage le même toît, permettez que je me présente… François-Xavier Moulé, 63 ans, par profession enseignant d’anglais en collège, nouvellement retraité, par passion producteur/présentateur depuis plus de 21 ans d’une émission de culture africaine-américaine, « Oh Happy Day », à base de gospel et soul classique, mais pas seulement, sur le réseau national RCF (maison mère à Lyon). Des goûts musicaux tout azimut, gospel, blues, jazz, mais aussi pop/rock, avec une belle collection de psychédéliques San Francisco bands des années 1960/70, et musique classique, du Moyen-Age à aujourd’hui. Bref, j’aime la musique, et je m’y noie…
Ellington ? Une de mes grandes, et anciennes, passions. Une belle collection, « pour un francais », quelque 500 LPs, 300 CDs. Jamais entendu le Duke live, jamais vu sur scène… Mon premier contact avec lui, la retransmission en direct du concert au Palais des Sports, novembre 1973. « Et il est mort », comme le dit Bobby Lapointe avec humour en chute à « Bobo Léon »… Quand même, je me suis un peu rattrapé de la faute (du péché ?) de ne pas l’avoir vu, un « Rockin’ In Rhythm » entendu à cette époque, 1973, me met la puce à l’oreille, Ellington est différent. Il devient l’une de mes passions. Découvrant dans les années 1980s que d’autres fans se rassemblent en conventions une fois par an pour célébrer le Duke, je commence à les fréquenter moi-aussi. Ma première en 1988, à Oldham, banlieue de Manchester, UK, où je fais la connaissance d’un autre fou de Duke, George Debroe, membre lui aussi de la Maison du Duke, avec qui je noue une grande amitié, et pour qui je voue une grande admiration, car c’est un vrai collectionneur, avec tous les 78tours en plus, ce que je n’ai pas du tout, ou très peu, n’étant pas de la génération du shellac, je suppose. Ensuite, en désordre, ce sera Washington, en passant par New York où je dors chez Jerry Valburn, et rencontre Jack Towers (Fargo, 1940, mythique!).. Washington donc, où je prend un thé (!) en tête à tête avec Mr. Flamingo, the Bronze Buckeroo lui-même, Herb Jeffries, et partage une chambre avec le chercheur californien Steven Lasker (peu de sommeil, beaucoup de discussions autour de telle prise inédite!). Puis c’est Copenhagen, et Stockholm, où je fais une conférence (dans mon meilleur anglais académique!) sur Ellington à Goutelas, que j’ai étudié à fond, allant même là-bas pour rencontrer ceux qui y étaient ce soir de février 1966 ! A la suite de quoi je peux également publier un article sur Goutelas dans une revue universitaire à Pittsburgh… Puis Leeds, Londres… Une petite période moins ducale pour moi (et financièrement plus difficile) me fait négliger d’autres rassemblements, dont le dernier à Amsterdam. Dans les années 1980/1990, je fais du journalisme musical, couvrant quelques festivals de jazz, pour Jazz Hot d’abord, sous la houlette des frères Sportis, puis pour la petite revue indépendante Jazz Classique, dirigée par Guy Chauvier. Ma première activité dans ces deux magazines est essentiellement tournée vers le gospel, pour Jazz Hot j’écris toute une série historique sur cet art titrée « I Hear Music In The Air », et pour Jazz Classique je mène une chronique régulière (de 3 à 4 pages!) sous le nom de The Amen Corner. Je suis toujours aujourd’hui passioné de l’art du gospel, de par mes émissions de radio, et mène actuellement des recherches sur le gospel en GB, entre autres choses, depuis que je suis installé à Londres à temps quasi plein (avec femme et enfant). Mes activités de journaliste musical me permettent à une époque de fréquenter quelques ellingtoniens, Clark Terry, Buster Cooper, et surtout Mercer Ellington, que j’interview pour Jazz Hot. Je collabore à la série de rééditions Ellington en CD Masters of Jazz, avec Alexandre Rado (Alerado !), comme l’atteste la présence de mon nom dans les premiers volumes, et publie deux albums de negro-spirituals chez Frémeaux, plus d’autres collaboration chez cet éditeur, avec Jean Buzelin (Mahalia Jackson/Rosetta Tharpe), et dans le cadre du Festival de Gospel de Paris. Quoi d’autre? J’ai tenté de publier un ouvrage répertoriant les éditions essentielles d’enregistrements du Duke, le bouquin est sorti, en photocopies, reliées quand même!, mais ce travail ne me satisfaisant plus aujourd’hui, je retravaille l’ouvrage dans une autre optique… Voilà, c’est à peu près tout. Je suis heureux de rejoindre La Maison du Duke, et, étant collectionneur, de pouvoir accéder à des enregistrements inédits, c’est important pour moi. J’ajoute pour conclure que mon choc ellingtonien du jour a été de ré-écouter le CD LMR Private Collection Vol.2, avec la dance date de la Travis Air Force Base du 4 Mars 1958, une grande claque ! Perfection dans la décontraction, les musiciens et le public transpirent le plaisir, et la prise de son, stereo, est parfaite ! Un vrai grand bonheur. Bien amicalement. François-Xavier Moulé.
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